Joseph
Dombey 1742-1794
Un
explorateur passionné lors de son expédition au Pérou et au Chili
…
“je
serai le plus heureux des hommes d’habiter les belles montagnes où
je me trouve.”
écrit-il
à Jussieu
Joseph
Dombey
issu d’une grande famille de Pont de Veyle (département de l’Ain)
est né à Mâcon du mariage Marie Carra et de Jean-Philibert Dombey
le 22 Février 1742. Il est le dixième enfant d’une famille de
quatorze. Orphelin à quatorze ans, il est élevé par son oncle curé
de Montagnieu en Dombes et chez sa tante Marie-Alexandrine Hoste, la
veuve du chirurgien Jean Dombey.
Après
des études
chez les jésuites il entre à la célèbre faculté de Montpellier,
où il est reçu docteur le 3 juillet 1767. Dombey passionné de
botanique délaisse la profession de médecin. Il herborise dans les
Pyrénées dont la flore est mal connue à cette époque, et dans les
Alpes dauphinoises où il rencontre Jean-Jacques Rousseau. A partir
de 1772, à Paris il se lie d’amitiés avec des naturalistes
célèbres, Antoine-Laurent de Jussieu, Thouin, Bernard. Il continue
ses explorations dans le midi de la France et le Jura.
En
1776
le ministre Turgot lui propose de poursuivre les découvertes
botaniques du Père Feuillée au Pérou. Le Père Feuillée
(1660-1732) a été le premier à explorer le Pérou et le Chili,
sous l’ordre de Louis XIV, de 1708 à 1711. Il rapporte de cette
mission un certain nombre de descriptions de plantes. Le 27 Août
1776, Joseph Dombey reçoit de Louis XVI le titre de Botaniste
du Roy et accepte la mission pour le Pérou,
colonie espagnole. Il se rend à Madrid pour demander au roi
d’Espagne, Charles III l’autorisation de cette expédition, il est
accueilli avec tous les honneurs mais il fait face à des
oppositions. Pour le professeur du Jardin Royal de Madrid, Gomez
Ortega
cette mission revient aux espagnols et non aux français, par
conséquent,elle sera conduite avec deux botanistes espagnols
Hipolyto
Ruiz et Joseph Pavon,
deux dessinateurs, Joseph Brunette et Isidore Galvez et le
gouvernement espagnol se chargera de répartir les plantes récoltées
avec la France, et avec l ‘obligation de rester ensemble jusqu’à la
fin de la mission.
Le
départ a lieu le 5 novembre 1777
à bord d’El Péruano, un des meilleurs bâtiments de toute l’Espagne
commandé par Cordova Ramos, un des meilleurs marins. La traversée
dure quelques 5 mois, et le 9 avril 1778, El Péruano jette l’ancre à
Callao.
Faisant
abstraction aux querelles, J.Dombey
se concentre sur les plantes découvertes que les indiens utilisent
pour se soigner, aux croyances, aux pratiques médicales. Il n’oublie
pas de mettre dans ses bagages … « des
graines, des fruits pour
semer en
Europe … afin de rendre d’une main à ces braves indiens ce que
leur prendrait de l’autre…»
L’étude
de la
Cannelle
du Pérou est
l’un des points importants de sa mission,elle n’est pas la
Cannelle de Ceylan…« on
ne pouvait espérer la porter par la culture au degré de perfection
de celle qu’exploitent les hollandais… » IL
s’agit d’une autre espèce : Ocotea
quixos (Lam.)
Kosterm ouen
synonymie Laurus
quixos
Lam. et qui n’est pas Cinnamomum
verum J.Presl.,
le
cannelier de Ceylan.
Toutes
deux de la famille des Lauracées.
Son
écorce produit des bâtons au parfum de cannelle mêlé à celui de
la vanille. Les espagnols l’apprécient en gastronomie, surtout en
la mélangeant au chocolat chaud avec du poivre. A Quitto et Santa-Fé
le calice, en terme d’apothicaire, flor
de canela, ou
le calice de la fleur est utilisé pour ses propriétés médicinales.
Avant d’en informer le Docteur Joseph de Galvez, ministre des
Indes, il prend le soin de se faire envoyer quelques feuilles de la
Cannelle de Ceylan d’un herbier du Muséum de Paris et afin de
faciliter la comparaison avec la Cannelle du Pérou,«…il
est utile et intéressant de lever tous les doutes sur un objet de
cette importance, afin que le gouvernement espagnol sache à quoi
s’en tenir lorsque des particuliers voudroient faire quelques
entreprises qui seroient coûteuses et inutiles à l’état…»
En
allant de Lima à Huanucco, J.Dombey après la traversée des champs
de Canne à sucre et de Café il découvre les forêts
« …l‘impénétrabilité
des forêts et le danger des tigres et des serpents, cependant nous
le faisons avec plaisir pour voir la coca, la cascarilla, le cacao et
tous arbres qui produisent des résines et des gommes”.
Le
premier Quinquina,
la
cascarilla ,
l‘« arbre à fièvre » fut découvert dans la
province de Loxa,et dès 1663, les jésuites utilisent l’écorce
pour soigner la malaria. J.Dombey fait la découverte à Huanuco de
nouvelles espèces de Quinquina , et s’en réjouit …« On
commence à en apporter à lima et si l’ Europe le trouve aussi bon
que celui de Loxa ce sera une richesse pour cette province et une
nouvelle branche de commerce commence pour Lima… ». Il
y a le rouge : Cinchona
pubescent Vahl.,
le plus riche en quinine, celui qui est introduit à Ceylan par les
anglais, le gris : Cinchona
officinalis L.
celui de Loxa, le moins riche en quinine et le jaune Cinchona
calisaya Wedd.
Comme
à chaque fois Il fait part aussitôt de ces variétés au ministre
des Indes, Mr. De Galvez.
Les
lianes de Coca
s’enroulent autour des grands arbres de Quina-quina…« c’est
une plante faible qui s’entremêle aux autres plantes à peu près
comme le Sarment… Les indiens la mâchent après l’avoir mêlée
avec de la craie ou terre blanche qu ‘ils nomment Mambi. …
Ils prétendent que le jus de la Coca les rend vigoureux … qu’elle
raffermit les gencives et fortifie l’estomac…. ».
Dombey se rend compte que cette Coca n’est pas l’espèce
Erythroxylum
havanense Jacq.
mais une espèce du Pérou Erythroxylum
coca Lam.
… ». La meilleure est celle qui croît près de Cuzco, les
indiens cultivent aussi la Coca, Dombey avait écrit un mémoire sur
la Coca , afin de maîtriser sa culture en Europe car cette espèce
se propage par graine et difficilement par bouture.
La
petite graine de
Quinoa
ne
le laisse pas indifférent « …d’après
le père Feuillé “ il serait intéressant de le répandre en
Europe. Les montagnes qui produisent le quinoa ont la température du
printemps de Paris. Cette graine cultivée en France coûteroît
moins cher que le riz. On ne saurait multiplier les choses utiles au
bien de nos semblables… ».Les
conquérants espagnols ne voient aucun avenir dans le quinoa qui
n’est pas une céréale, qui doivent être lavé avant d’être
utilisé et qu’en l ‘absence de gluten, la farine n’est
pas panifiable. J.Dombey, prépare un envoi de graines en France,
mais le succès de Chenopodium
quinoa Willd.
en
Europe attendra le XX° siècle. Il avait remarqué la variété aux
graines blanches et celle aux graines rouges, cette dernière en
décoction prévient des ecchymoses. (Pour en savoir plus, Une graine
sacrée, le quinoa de Didier Perreol éditions Jacques Marie Laffont)
Il
découvre un arbre de 40 m de haut, le Balsa
d’Amérique, Ochroma
pyramidale
(Cav.ex.Lam.)
Urb., les
indiens en font des canots légers pour traverser les fleuves. Le
fruit, une capsule libère des graines pourvues d’une multitude de
poils élastiques et fins utilisés à Cuchero pour fabriquer des
oreillers, des matelas.
Le
Cèdre de Guayaquil,J.Dombey
projette un avenir dans la confection des meubles et la construction
navale sur cet arbre, à la silhouette étalée, au feuillage
finement découpé, apportant à lui seul un décor dans un grand
parc comme à Lima, il s’agit de Cedrala
odorata
de la famille des Méliacées, avec un bois rouge acajou et parfumé.
A
Pampa-Hermosa, J.Dombey est curieux de trouver cet arbre appelé
“Chibou” qui donne aux indiens un morceau de gomme élastique,
c’est le Gommier blanc, Dacryodes
excella Vahl.,
d’une incision du tronc s’écoule une gomme blanche, inflammable,
parfumée, utilisée comme cicatrisant. Le tronc sert à faire de
grandes pirogues.
Il
ne retrouve pas
le
Thé de Lima qui
est une Capraire, Capraria
biflora L.,
ou
Capraria
lanceolata Vahl.,
utilisé du temps du père Feuillée. Ce thé est médicinale aux
propriétés anti-diarrhéiques, et analgésiques. Ce thé est
remplacé par le
maté du Paraguay,
qui est un houx, Ilex
paraguariensis , mis
à la mode à Lima par les jésuites, qui tirent un certain profit de
la vente et de la culture. Les feuilles de maté sont torréfiées,
pulvérisées et infusées dans l’eau chaude, et cette boisson est
stimulante, tonique, diurétique, contient de la caféine et
théobromine. J.Dombey recherche un succédané dans la flore
locale, il suggère le “Manglillo”,
un arbuste qui est abondant à Lima, à l’aspect d’un laurier
cerise donnant de petits fruits ronds. Ces compagnons de voyage
H.Ruiz et J.Pavon lui dédient le genre mais J.Dombey préfère une
dédicace à Duhamel du Monceau sous le nom Duhamelia
manglillo, le
nom légitime est actuellement Myrsine
manglilla (Dombey
ex.Lam.) R.Br. de
la famille des Primulacées.
La
plante apéritive et purgative est Gratiola
peruviana L.de
la Famille des Plantaginacées.
Autour
des arbres s’enlace le Figuiers étrangleur,
Ficus insipida Willd.,
le
«Mata-palos
» qui
exsude une résine qui soigne les hernies et qui est vermifuge.
De
Tama à Huara-huasi les indiens soignent leurs fractures avec des
cataplasmes de“Vira-Vira”
un
Gnaphalium
cheiranthifolium Bertero
ex Lam.,
qui exhale un parfum de noix de muscade, cette plante est riche en
huiles essentielles. Mais J.Dombey met en garde contre l’emploi de
ces plantes riches en huiles essentielles “…une
trop grande confiance dans leur efficacité… elles n’ont un bon
effet que lorsque la maladie est légère alors la nature fait tout
et le peuple partout ignorant crie au miracle. J’ai vu de très
mauvais effets de l’application et de la décoction de toutes ces
plantes dans les cas graves.”
Près
de Lima l’“Hierba
santa”
du Pérou qui figure sur les timbres correspondant à Cestum
auriculatum L’Hér.,de
la famille des Solanacées est considérée comme pectorale
diurétique et combat le mal vénérien. Elle est une plante
médicinale anti-inflammatoire et analgésique.
A
Huara sur un désert de sable, les petites montagnes au bord de la
mer sont couvertes d’une plante plus urticante que l ‘ortie d’Europe,
l’“l’Hierva
de la santiasima Trinidad”
Loosa
urens ,
qui correspond à Otholobium
pubescens (Poir.)
J.W.Grimes ,
plante des légumineuses qui soigne le diabète, les angines,
Il
découvre une Solanacée envahissante et toxique, Solanum
maritianum Scop.
surnommé
“Morelle laineuse” ou “Tabac marron” ses feuilles ressemblent
à celles du tabac, une laine végétale de la couleur de la toison
des lamas, issu d’un cierge épineux, Lasiocereus
fulvus F.Ritter,
l’”Saya-saya,”
qui est Erigeron
bonariensis L.
(Devenue en Europe plante invasive!!!)
J.Dombey
est très sensible aux plantes décoratives ,
comme cet arbrisseau “le Floripondio”
aux fleurs en clochettes suspendues à l ‘extrémité des rameaux,
très cultivé en Europe le Brugmansia
arborea (L.)
Steud.ou en
synonymie Datura
arborea
L. Il fait connaître aux européens La verveine à odeur de citron ,
Aloysia
citriodora Palau
ouVerbena
triphylla L’Hér.
dont les feuilles sont utilisées en tisane, les Alstroemères
Bomarea
salsilla (L.)
Mirb. ou
Alstroemeria salsilla L….et
bien d’autres
En
1781,
J.Dombey arrive au Chili,
pourtant atteint du scorbut «…je
vous fais part de mon heureuse arrivée au Chili….je suis dans le
pays des Myrtes, des Lauriers »
Il doit vaincre aussi la peur du moment des tremblements de terre, il
reprend les déterminations du Père Feuillée, dont le «Macqui»,
le «Panke»,
le «Lithi»,
le «Boldo»
Le
“Macqui”
«…cet
arbrisseau produit un fruit acide dont on fait un vin qui étant
administré dans les fièvres malignes fait un excellent effet. Il
m’a beaucoup servi dans la peste du Chili »
. La peste fait 14000 morts dans la ville de Conception. J.Dombey en
tant que médecin soigne les personnes atteintes, il utilise cette
boisson obtenue à partir des fruits de l’Aristotelia
macqui
L’Hér.,
ou l’Aristotelia
chilensis (Molina)
Stuntz, Dombey obtint de nombreuses guérisons de la peste et le
maire de Conception voulut le garder et lui offrir en mariage une
jeune fille fort belle et fort riche. Mais il refusa afin de
poursuivre sa mission …« la
douce satisfaction d’ être payé de ses soins par les larmes des
pauvres qui le comblaient de leurs bénédictions..; »
Accepter lui aurait permis de sauver son travail, d’envoyer en
Europe les plantes, les graines. Il n’aurait pas été témoin en
France de la terreur et de sa barbarie. Actuellement les fruits du
Macqui,
sont des baies astringentes, aux propriétés anti-oxydantes, ils
sont les « raisins chiliens » qui ont du succès, ils
participent au brassage de la chicha.
Il
fait connaissance avec le Boldo, Peumus
boldo Molina
si les feuilles à l’arôme boisé sont utilisées à des fins
culinaires, elles ont des propriétés médicinales qui stimulent la
vésicule biliaire.
Le
«Lithi»,
dont les marins du père Feuillée furent victime de sévères
dermites, est retrouvé et c’est Lithraea
caustica (Molina)Hook.
&
Arn.
famille des Anacardiacées, offre un magnifique et large feuillage,
avec une interdiction de dormir dessous, des branches donnant un bon
charbon et des bonnes courbes pour les vaisseaux. A côté pousse le
«Maiten»
dont la sève est un contre-poison de celle du Lithi. Il s’agit du
Maytenus
boaria Molina.
Famille des Célastracées, J.Dombey en a pris connaissance à partir
de leurs fruits et il dut attendre le retour du printemps pour
assurer la détermination Sur les collines et plaines de Coquimbo à
Aranco exposées au soleil J. Dombey avait reconnu une Euphorbiacée
déclenchant des dermites bulleuses, le « Mancenillier »,
Hippomane
mancinella L.
Le
“Coquil-baquil” signalé
par le Père Feuillé est déterminé par l’équipe, il est une
plante grimpante dont les fruits sont comestibles et les branches
souples sont utilisées pour faire des liens, ne sera pas dédié à
Thouin,son ami et maître du jardin du Roi et se nommera Lardizabala
biternata Ruiz
& Pav.,
afin de suivre les consignes du grand maïtre Linné “
de ne dédier les plantes qu’aux botanistes qui s’en sont rendus
dignes par leurs travaux et leur savoir …Volkamaria verticillata
Ruiz
& Pav.devient
selon ce principe Rhaphithamnus
spinosus (Juss.
) Moldenke de
la Famille des Verbénacées, un bel arbuste … propre
à faire de belles haies.
Une
plante fort utile “le Quillay”, Il trouve la plante qui dégresse
la laine grâce à sa saponine, Quillaja
saponaria Molina.
De
Saint Jacques à Coquimbo J.Dombey découvre un arbre produisant une
résine aussi excellente que celle d’Arabie et il envoie de la
résine, il s’agit vraisemblablement de Myroxylon
balsamum (L.)Harms
de
la famille des Fabacées, résine qui entre dans la composition du
baume du Pérou.
J.Dombey
reçoit tous les honneurs du roi d’Espagne Charles III, quand il
découvre et lui fait connaître le Pin
d’Araucanie,
poussant au Chili, un fût droit, un bois solide, il participe à la
construction du mât du Saint Pierre d’Alcantara au chantier de
Talcahuano. Ce pin a porté de nombreux noms, le légitime en date
Aruncaria
araucana (Molina)K.Koch
synonymie
Aruncaria
imbricaria Pav.
Le
8 février 1784 J.Dombey est atteint du “Bicho”
, “la maladie des vallées”, la maladie d’un grand nombre
d’indiens et d’espagnols qui accusent les fruits du Physalis
pubescent et
d’un piment Solanum
lycopersicum mélangés
aux aliments, qui cependant ravagent les intestins. En fait il
démontre qu’il s’agit d’une maladie parasitaire due à une araignée
qui s’enfonce sous la peau.
J.Dombey
est à la recherche de ces arbres qui produisent du caoutchouc, il
trouvera un Hévéa Hevea
brasiliensis seulement
il cueillera un échantillon d’un arbre femelle.
1789
retour en France,
J.Dombey malade rompt son contrat de rester jusqu’à la fin de la
mission avec Ruiz et Pavon, ces derniers continuront les quatre
années restantes.
1794,
Surpris par la Révolution, il s’embarque pour l’Amérique, mais il
sera attaqué par des corsaires et emprisonné sur lîle de
Montserrat où il décède en 1794
D’après
sa correspondance relatée dans
Joseph
Dombey , médecin, naturaliste, archéologue explorateur du Pérou et
du Chili
sa
vie et son œuvre, sa correspondance par le docteur E-T. Lamy
Publié
sous les auspices de l’Association française pour l’avancement
des sciences et_è de M.Le Duc de Lobat
1798
publication de cette flore dans la Flora Peruviana et Chilensis de
Ruiz et Pavon en 1798
Biblio
: les arbres voyageurs d’Andrée Corvol
Joseph
Dombey , une vie pleine de cactus éd.Fayard 1999